Page 160 - La Conférence Internationale RALI 2015
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Les vertébrés des Kem Kem (Maroc), une faune
exceptionnelle à l’aube du Crétacé supérieur
(Cénomanien inférieur)
Nour-Eddine JALIL
Centre de Recherches sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements, CNRS-MNHN-Sorbonne
Université, CP38, 8 rue Buffon, 75005 Paris; BioDEcos, Département de Géologie, Faculté
des Sciences Semlalia, Université Cadi Ayyad, Marrakech, Maroc
Résumé : La découverte, vers la fin des années 1990 de
sites à conservation exceptionnelle ou Lager-
Les dépôts crétacés (Cénomanien), du Plateau
des Hamadas (Sud-Est marocain), affleurent à stätten représentés par une lentille argileuse
l’est de la ville de Taouz et s’étendent vers le dans les niveaux supérieurs de la Formation
sud sur environ 250 km le long de la frontière d’Aoufous et des calcaires lithographiques à
avec l’Algérie. A sa base, la série est divisée la base de la Formation Akrabou, donne une
en deux formations d’égale importance, la For- importance nouvelle à la région des Kem Kem.
mation d’Ifezouane surmontée par la Formation Contrairement aux archives paléontologiques
d’Aoufous. Ces deux formations,le plus sou- classiques qui livrent des informations très
vent groupées sous l’appellation de « Kem Kem fragmentaires, les Lagerstätten constituent une
Beds », correspondent à des dépôts de plaines source d’information précieuse, exceptionnelle
alluviales et des deltas (Fm. d’Ifezouane), et et inégalée. Les fossiles qu’ils livrent, particu-
à des milieux paraliques et de sebkhas (Fm. lièrement bien préservés et généralement en
d’Aoufous). Au sommet, la Fm. d’Aoufous est connexion anatomique, permettent non seule-
coiffée par les sédiments calcaires de la For- ment de reconstituer avec précision l’anatomie
mation d’Akrabou qui correspond à la trans- des organismes mais aussi de comprendre
gression marine du Cénomano-Turonien. l’organisation des paléoécosystèmes.
Ces sédiments sont mondialement réputés Introduction
pour leur extrême richesse en fossiles. Ils ont Au tout début du Crétacé supérieur, l’Afrique
livré l’assemblage de fossiles continentaux le et l’Amérique du Sud qui formaient un seul et
plus riche et le plus diversifié de son époque : même bloc, d’abord lié au mégacontinent pan-
plantes, insectes, crustacés et plus de 70 tax- géen, puis au Gondwana, se sontséparés (Fig.
ons appartenant aux principaux grands groupes 1). Tels deux radeaux, les deux masses con-
des vertébrés (élasmobranches, actinopté- tinentales africaine et sud-américaine se sont
rygiens, dipneustes, actinistiens, amphibiens éloignées l’une de l’autre, entraînant chacune,
Sirenidae et Anura, ophidiens, tortues, cro- ses propres faunes continentales. Une grande
codylomorphes, ptérosaures, dinosaures non- partie de l’Afrique du Nord, correspondant à la Numéro spécial dédié au Patrimoine Géologique du Maroc
aviens et oiseaux). Ils constituent aujourd’hui la partie occidentale du Sahara, était alors con-
référence pour étudier les peuplements conti- stituée de vastes plateaux parcourus par de
nentaux du début du Crétacé supérieur, juste grands fleuves et rivières qui se déversaient
après la séparation de l’Afrique de l’Amérique par de grands deltas, dans une mer située un
du Sud par l’Atlantique Sud naissant (Fig. 1). peu plus au nord (Fig. 1). Ce sont les nom-
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