Page 178 - La Conférence Internationale RALI 2015
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En plus de leur abondance et leur grande diver- par l’abondance de formes aquatiques ou
sité taxinomique, les vertébrés des « Kem Kem sub-aquatiques (tortues, crocodiles, acti-
Beds » intriguent par leur composition faunique noptérygiens, dipneustes et cœlacanthes) et
atypique. Ils se distinguent par : la grande taille de certains actinoptérygiens
et cœlacanthes. Les conditions du paléoen-
1- la présence d’un grand nombre d’espèces vironnement deltaïque des « Kem Kem
de grande taille avec les dinosaures carni- Beds » ne devaient pas favoriser pas la mise
vores Spinosaurus aegyptiacus (Dal Sasso en place d’une végétation terrestre stable
et al., 2005 ; Ibrahim et al., 2014),Carchar- mais permettait en revanche une abon-
odontsaurus saharicus (Sereno et al., 1996) dante vie aquatique (Läng et al. 2013). La
etun abélisauridé dont la taille est estimées vie aquatique constituait le niveau de base
à plus de 9 mètres pour un poids d’environ 2 d’un réseau trophique aquatique ou semi-
tonnes (Chiarenza et Cau, 2016) ; le grand- aquatique, qui nourrissait directement les
dinosaure sauropode Rebbachisaurus et de prédateurs de rang supérieur, tels que les
nombreuses formes aquatiques (Cavin et théropodes en général et les spinosaures en
al., 2015).
particulier.
2- « L’énigme de Stromer » ou l’anomalie Il n’est pas exclu que ces traits écologiques
des réseaux trophiques des « Kem Kem particuliers des faunes des « Kem Kem Beds »
Beds ». Tout écosystèmeest dominé par soit un biais taphonomique ou un artefact dû à
les végétariens (consommateurs primaires) la nature de la collecte. La majeure partie des
qui représentent la plus grande massevi- fossiles des « Kem Kem Beds »provient de la
vante parmi les consommateurs.La faune filière commerciale. Ils sont récoltés par les col-
des « Kem Kem Beds » est intrigant par la lecteurs locaux qui se focalisent sur les restes
surabondance des grands prédateurs (di- les plus spectaculaires et les plus lucratifs, au
nosaures théropodes) par rapport aux dino- détriment des fossiles moins spectaculaires.
saures herbivores (Mahler et al., 2005 ; Mc- Les données issus de ces fossiles donneraient
Gowan et Dykes, 2009 ; Cavin et al. 2010, une image tronquée de la biodiversité des
2017 ; Lang et al., 2013 ; Chiarenza et al. « Kem Kem Beds ». D’un autre côté les fossiles
2016). Le surnombre des dinosaures préda- récoltés sont dépourvus des données de ter-
teurs en comparaison avec les herbivores rains. Ils ne permettent pas de restituer fidèle-
est confirmé par les données paléoich- ment les assemblages fauniques et leur suc-
nologiques où les restes tridactyles des di- cession dans le temps. Des études de terrain
nosaures théropodes sont de loin plus nom- avec des récoltes de fossiles niveau par niveau
breux que les restes des sauropodes ou des reste nécessaire pour une vision éclairée de la
ornithischiens herbivores. La prédominance succession des faunes tout le long de la série
des méga-prédateurs serait le résultat d’une continentale et pour une reconstitution précise
chaîne alimentaire courte oùlesniveaux in- des paléo environnements et des assemblages Numéro spécial dédié au Patrimoine Géologique du Maroc
termédiaires sont peu nombreux et dans fauniques des « Kem Kem Beds ».
lquelle les vertébrés aquatiques joueraient
un rôle primordial dans les niveaux de base
de la chaîne trophique (Russell, 1996 ; Cavin
et al. 2017). Cette hypothèse est supportée
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